Un Nouveau Corps Social

UN NOUVEAU CORPS SOCIAL

En tant qu’écrivain dit « undaground » ( aucune idée de ce que ça veut dire, à part peut-être en fin de mois), on m’a demandé de commencer à écrire un texte où j’afficherai (avec des punaises ?) mon soutien aux gilets jaunes, pour ensuite le faire circuler auprès d’autres écrivains ou artistes ou plombiers ou décorateurs de pots de yaourts le dimanche, qui eux-mêmes feront circuler ce petit texte pour que d’autres personnes encore… bref, vous m’avez compris…

Bon, j’ai dit oui parce que je suis un type gentil, et parce que je trouve inquiétant le silence des artistes, le peu de soutien aux Gilets jaune de la part des écrivains, chanteurs, et caetera. Personnellement, TOUS les gens que je fréquente (artistes ou pas) soutiennent d’une manière ou d’une autre les Gilets Jaune. Tout simplement parce que je fréquente des gens qui ont, généralement, un niveau de conscience de la situation plus élevé que celui de macron, qui a quant à lui, vraisemblablement, l’intelligence complexe d’une endive.

Ce qui ne serait pas grave en soi. Dans son monde de réalité virtuelle, ne pas réfléchir est une prérogative pour faire carrière. S’il dirigeait une entreprise de construction à Sanary-sur-mer, une agence immobilière rue Boulainvilliers ou une chocolaterie au Touquet, bon. Ça porterai moins à conséquences.  Mais ce petit homme au cœur sec et au joli sourire d’automate a choisi, par défaut peut-être, de se lancer dans la politique, jusqu’à finir par obtenir, suite à un coup d’état financier allié à une propagande digne de rien du tout, le job de président. C’est alors qu’au contact du pouvoir il s’est révélé extrêmement fragile psychologiquement, développant la dangerosité et l’aveuglement soumis d’Eichmann cumulé à la bêtise reptilienne de Milton Friedmann. A sa décharge, il est tombé – il tombe, pardon – à un moment de l’Histoire où la civilisation occidentale s’effondre, et où s’effrite du même coup le masque démocratique de son commanditaire, (l’oligarchie de l’ultra-libéralisme) pour laisser apparaître que « la main invisible du marché » tient bel et bien un fusil Dassault (bon, on le savait, mais maintenant ça se voit.)

Ah oui, j’ai oublié de vous dire : j’explose tous les jours le point Godwin. Ce à quoi nous sommes confrontés derrière le pantin perlimpinpin et sa non-politique n’est pas le nazisme, certes. Cependant le système économique, idéologique darwinien psychiquement archaïque totalitaire, absurde et dénué de sens auquel nous faisons face est bel et bien, historiquement, une mutation du fascisme « à l’ancienne ». Il s’agit bel et bien de l’extension de la chambre à gaz à effet de serre au niveau mondialisé. Si vous n’en êtes pas convaincu, aucun problème pour moi, mais s’il vous plaît, passez votre chemin et retournez à vos petites affaires, votre déni et votre ignorance de la situation. Si nous attendons que les « braves gens modérés rationnels et démocratiques » ouvrent un tant soit peu les yeux (et arrêtent de préférer croire que le fascisme est à venir avec l’élection prochaine d’une Le Pen alors que le méta-fascisme est déjà au pouvoir partout dans le monde, au-delà et au- dessus d’une sphère politique dont l’extrême-droite est une pièce parmi d’autres sur l’échiquier) nous serons tous borgnes comme Jean-Marie, en tôle pour sédition, ou assassinés.

Je ne m’adresse pas à vous aujourd’hui dans le but de débattre, car comme le dit Pacôme Thiellement, le débat rend con, il est l’inverse d’un dialogue et d’un échange, et c’est de poésie enflammée, d’un autre langage et surtout d’un autre paradigme dont nous avons aujourd’hui besoin. Et aussi, qu’on nous foute la paix, s’il vous plaît, avec la « Défense de la Démocratie ».

Allez dire ça aux gens qui y ont laissé un membre ! Allez leur demander, un peu, où elle est la Démocratie ! Allez demander aux nanas tabassées, aux petits vieux et vieilles humiliés, à tous les autres qui y sont, dans les manifs. En 2019, la Démocratie, en France, à part la tentative actuelle de rechargement de ses symboles et de sa définition par le Peuple Insurgé, ça ne veut plus rien dire.

Je persiste et je signe, nous sommes sous un régime totalitaire, au sens strict. Un totalitarisme inédit, biaisant, tordant le sens des mots et détruisant le langage, les corps et les esprits comme un virus spongieux transformant les cervelles en moules du bouchot. C’est de la dés-hypnose qu’il nous faut ! Des groupes de paroles, d’échanges, synergiques, de résistances à la violence psychologique et physique du système ultra-libertarien …ah, ces abrutis qui viennent te soutenir qu’il n’y a pas de « système » ! des négationnistes pur et dur, ceux- là !… Et c’est évidemment par ceux-là, les réactionnaires bloqués au 18éme siècle, que les véritables progressistes se font insulter et traiter de… devinez ?

…De réactionnaires bloqués au 18éme siècle bien sûr !

Ce qui est logique, car la plupart de ceux ne saisissant pas ce qui se passe actuellement dans le pays utilisent une grille de lecture politique datée, cherchent dans la panique à comparer le mouvement des Gilets Jaune à 1789 (cette révolution remportée par la bourgeoisie), y font planer et calquent sur les GJ le spectre de leurs angoisses, de leur nihilisme, de leur extrémisme …c’est-à-dire font l’aveu, dans un terrible effet miroir déformé, de l’état désagrégée de leur âme et de leur humanité.

Ils projettent sur les Gilets Jaune ce qu’ils sont en réalité incapables, justement, de comprendre : qu’il ne faut rien projeter dans ce mouvement, car il est exactement moderne, exactement innovant, exactement quantique, exactement vivant, exactement en mouvement, exactement ce qu’il nous faut. Oui, d’où que nous le regardions, quel que soit l’angle que nous choisissions, nous ne verrons jamais que ce que nous voulons y voir : nous-mêmes. Nos peurs, nos rêves, notre grandeur, notre médiocrité, notre petitesse, notre haine, notre Amour. Je laisse donc les pauvres de cœur avec leurs consciences, leurs stalinismes, leurs fascismes, leurs champs des potentialités et surtout leurs imaginaires étriqués.

C’est d’une tentative de bifurcation dont il est question aujourd’hui, dans ce pays. Que cela réussisse ou pas n’est ni le problème ni la question. C’est en cours, et c’est génial. Car quoi qu’il en soit, à la fin, la Vie gagnera, car elle seule est le sens, le Tao. C’est l’entre deux, le clair-obscur que nous avons à vivre. Dans tout ce qu’il a de terrifiant et de grandiose. Car la situation est si gravissime que beaucoup d’entre nous, sans conscience, justement, de ladite situation, risquent bien, si ce n’est pas déjà fait, d’y perdre l’esprit après y avoir perdu l’émotion le langage et le cœur. Regardez ce qu’il est advenu de Luc Ferry.

Ma foi (prononcer à la Marseillaise), puisque le totalitarisme auquel nous sommes confrontés est inédit, la réaction des peuples, de la société civile mondiale l’est également. Donc notre pensée face à la situation doit l’être aussi, si elle espère être digne de la révolution en cours.

L’être Humain est complexe, fait de paradoxes, rempli de contradictions. Et c’est dans le conflit, la confrontation, qu’il peut dépasser puis unifier ses paradoxes, car le conflit est le seul moyen d’accéder au soi-disant « impossible », à une synergie, à la résolution de la crise intérieure, symbolique. Ce qui nous incombe, collectivement, c’est d’affronter le réel derrière la poussière de l’ancienne structure idéologique détruite.

…Méthode de survie en territoire zombie, quoi…

Mais attention ! Le problème, c’est que le « réel », tout le monde s’en gargarise pour justifier sa pensée. Idem pour « la raison ». Et la « logique ». Le « réel  » n’est bien trop souvent qu’un postulat concernant le réel, tenu pour vérité ontologique.

Ne pas fuir le réel, affronter le réel, sauver le monde, c’est déjà accepter de remettre sa pensée en mouvement. Pour saisir le réel de notre époque, il nous faut être philosophe au sens de Deleuze : c’est à dire créateurs de concepts. Et justement, notre époque appelle à corps et à cris de nouveaux concepts.

Commençons donc par ne pas analyser, ne pas juger, mais par laisser s’exprimer ce qui doit s’exprimer pour comprendre et avoir la compréhension de la situation et des forces en présence.  Reprenons le territoire à la base, soyons la culture, cessons de nous diviser, de croire à leur jeu de dupe entre extrémistes et progressistes, de nourrir la machine et les réseaux sociaux de leurs mets préférés : la division et l’agressivité. Soyons politiques, oui, vraiment, et enfin. Et poétiques !  Soyons POETICIENS !

Tout système fondé sur la peur, tout système fermé sur lui-même finit toujours par s’effondrer, et c’est ce que nous vivons actuellement. Pas la fin du monde, la fin d’un monde, la chute d’une civilisation. Un parmi d’autres, une parmi d’autres. Ce n’est pas la première fois, et c’est inhérent au vivant, au mouvement néguentropique (la néguentropie est un mouvement luttant contre l’entropie, c’est-à-dire la perte d’énergie d’un système, en créant une bifurcation, un imprévu, un changement nécessaire). C’est ce qui se produit lorsqu’un système devient trop hégémonique, n’est plus contrebalancé par rien. C’est ce qui arrive quand la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf. Quoi que l’on tente de nous faire croire, rien ne peut tromper un cœur pur : il n’y a pas de secret, il n’y a pas de mystère.

Le bas empire romain mit deux siècles à disparaître. L’idéologie ultra-libertarienne « capitaliste » (ou, disons, allez, l’anthropocène), obsédée par la vitesse, le moi, l’individualisme, semble bien décidée à ne pas prendre autant de temps pour s’autodétruire. Sa psychopathologie criminelle n’est plus latente, mais avérée.

Alors accrochons notre ceinture, car nous sommes en train de passer la frontière séparant le monde à l’agonie du monde vivant en Go Fast. Et, bien sûr, ils vont continuer à tirer. Et tirer pour tuer. Mais nous ne lâcherons rien, parce que nous n’avons pas le choix. Parce que nous sommes la Vie. Parce que nous sommes déjà demain. Parce que nous partons dans l’azur étoilé, parce que le réel pouvoir est de notre côté, parce qu’ils ont perdu la raison. Parce qu’ils sont fous. Et qu’au final, nous sommes leur remède.

Allez, allez, nous avons un monde à construire, à laisser advenir, dans l’échange, le don, le partage, l’écoute, la bienveillance, la fête, la danse, la lumière et le soin. Ce texte n’est pas un « grand débat », ce texte est une tentative de nouvelle constitution pour l’être humain en lutte, une synergie d’âmes agissantes, ce texte n’est pas un cadavre exquis :

Ce texte acte la naissance d’un nouveau corps social.

Wilfried Salomé

23/01/2019- L’île.

 

 

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