Le Dernier Voyage du Roi

LE DERNIER VOYAGE DU ROI

(Echec et mat : la diagonale du fou)

 

« Quand il y a de la haine, c’est qu’il y a une demande d’amour », aurait déclaré le psychopathe en chef, le cosmonaute hors sol tenant lieu de Roi désuet aux lambeaux de ce qui fut un jour une république, de ce qui fut un jour, lointain, une démocratie (déjà Ô combien imparfaite), j’ai nommé l’hexagone sous le signe duquel nous sommes nés (ou, à tout le moins, que nous habitons, qui est notre lieu, notre commun).

Je ne sais pas vous, mais j’aimerai comprendre. J’aimerai comprendre comment un homme qui se dit être politique peut, à ce point, manquer, à tous les niveaux, de discernement.

Qu’il soit un ego-tripper (ou un égo-tripé) ne fait aucun doute. Mais, ma foi, il n’est pas le seul.  Et puis l’ego peut parfois être un atout, un outil efficace lorsqu’il s’agit de poursuivre ce qu’il est usuel de nommer « un destin ».

Mais enfin !

Comment peut-on, en tant qu’homme, et en tant qu’homme politique, passer à ce point à côté de sa propre destinée, et de l’histoire de son pays ? Comment expliquer autrement que par une pathologie suicidaire l’attitude irresponsable, violente, terrifiante, sidérante de ce qu’il convient désormais de nommer un « ectoplasme robotique » plutôt qu’un être noétique, une « conscience agissante ». Qu’est-il arrivé à cet homme pour que l’intelligence, le cœur et la lucidité l’aient à ce point abandonné ?

C’est donc cela, la « pensée complexe » ?

Se déconnecter de tout affect ? Sa barricader, contre toutes attentes, contre toutes raisons, dans une vision de l’avenir et de la société digne du meilleur des mondes ? Alors même qu’il est, de toute évidence, détesté par l’écrasante majorité des gens qu’il est censé représenter, et que ladite vision est non moins massivement rejetée, non seulement dans notre pays, mais de par le monde ?

Qu’est-il arrivé à cet homme pour que tout bon sens l’ait abandonné, pour qu’il en soit venu à tirer une balle en pleine tête de sa propre humanité ?

Quel phénomène inconscient est donc ici à l’œuvre ? Quel archétype ? De quel NOM est-il ici question ? Quel ressentiment refoulé envers lui-même peut donc pousser un soit disant « chef d’état » à ne pas être en capacité de se regarder lui-même et de saisir, justement, l’état psychologique dans lequel il se trouve ?

L’Histoire est, pourtant, et de manière on ne peut plus limpide, venue toquer à la porte de son palais. La possibilité de se transcender, de prendre une dimension politique et Humaine rare lui fut offerte par un peuple. Un peuple désespéré. Un peuple désespéré porteur, à l’évidence, de valeurs humanistes fondamentales de justice, de libération d’un joug économique ultra-libéral délirant, religieux, dogmatique, fou furieux dans sa froideur déshumanisante du calcul et du rendement. Un peuple désespéré réclamant à cœur, à corps et à cris, de la dignité. Un peuple réclamant à sortir de la sous-vie pour atteindre le bout de la nuit, l’aurore. Un peuple porteur du désir, en dernière analyse, de se sentir exister, de se sentir vivant, porteur d’une soif inextinguible d’une souveraineté tant et tant niée, déniée, asphyxiée, ensevelie sous le mépris de n’être plus que chiffres, forces de travail, consommateurs, spectateurs, plutôt que Citoyens, plutôt qu’Humains.

Comment cet homme doté, nous sommes en droit de le penser, d’un esprit, a-t-il pu ne pas voir, ressentir, l’appel à l’humilité de sa propre conscience ?

De quelle sorte d’acide son âme a-t-elle été aspergée ? L’acide sulfurique corrosif du pouvoir, de l’argent ? Une malformation coronarienne congénitale ?

Quelle que soit son histoire personnelle, son parcours intime, ses fondations idéologiques, cet homme, comme tout homme, avait en lui la possibilité de se surpasser, de dépasser ses névroses, de s’améliorer, de s’ouvrir. La chance, oui, lui fut offerte de bifurquer. De se dresser contre l’injustice, de s’éveiller, de revenir à son humanité.

Il lui aurait suffi de décider, de s’exprimer, de prendre en main une situation. D’être responsable et humble, de descendre de sa tour d’ivoire, d’être capable, oui, de reconnaître ses erreurs, d’allumer les lumières en son for intérieur. Reconnaître ses erreurs, c’est-à-dire, se dresser contre la folie idéologique dont il est issu, la reconnaître, et mettre en accord la vision qu’il a de lui-même et le principe de réalité, d’entamer un processus profond de remise en question, de transformation, d’individuation. Comme un Homme. De prendre, immédiatement, les mesures qui s’imposaient à lui depuis le réel, de changer radicalement de cap. Intérieurement, en premier lieu, politiquement, en second. Quoi qu’il put lui en coûter auprès de ses maîtres, il eut pu, lui aussi, et comme le peuple le lui hurlait dans l’effet miroir, se libérer. Se libérer du joug de l’ultra-libéralisme. Se libérer, en lui, du totalitarisme économique le tenant en laisse.

 « Quand il y a de la haine, c’est qu’il y a une demande d’amour ». Le peuple de France le guidait vers cet amour, vers cette danse, vers cette joie, vers cette réconciliation. Vers la grandeur et la hauteur, oubliée en politique, des sentiments Humains. Le peuple de France, s’il l’eut écouté, aurait pu, symboliquement, lui sauver la vie. Le peuple, magnanime, lui aurait pardonné, si l’acte de transformation réel avait été au rendez-vous.

Sans surprise, cet homme en fut incapable. Incapable du moindre courage, incapable de prendre la moindre responsabilité. Incapable d’être un homme, incapable d’être politique. Incapable d’écrire quelque chose de personnel, de singulier. Incapable de bifurquer. Incapable de comprendre. Incapable d’éviter la tragédie, la fatalité de son propre destin prémâché, pré-écrit pour lui par d’autres, depuis ses origines.

Sans surprise, à côté du temps, à côté de l’Histoire, à côté de lui-même, à des kilomètres derrière le siècle et le millénaire, sa seule réponse fut de noyer les Citoyens, Hommes, Femmes, Enfants, Jeunes, Vieux, Valides, Handicapés, Chiens, Rats, Renards, Gueux, sous une pluie de coups de matraque, de grenades, de bruits de bottes et de gaz lacrymogènes, allant jusqu’à faire couler le sang des yeux des jeunes filles, comme l’on violerait, casserait, déboiterait, pillerait en bande organisée.

Oui, « Quand il y a de la haine, c’est qu’il y a une demande d’amour ». Mais cet amour ne lui est pas, ne lui est plus « destinée ».

La main du peuple était tendue vers lui. Sa réaction fut de la lui arracher par un tir de flash-Ball.

Dès lors « Quand il y a de la haine, c’est qu’il y a une demande d’amour » sonne désormais comme la déclaration halluciné d’un pervers narcissique.

Il ne fait aucun doute qu’en stratège du calcul dont le mépris (pour tout ce qui ne ressemble pas à ce qu’il croit être l’intelligence et la culture et qui n’est en dernière analyse que stupeur ordonnée) est passé du stade inconscient au stade subconscient, le mea culpa de ce petit homme viendra. Qu’il reconnaîtra ses « erreurs », une « mauvaise gestion ». Qu’il promettra, la main sur le cœur, la chemise mouillée sous la douche (pour faire croire qu’il sue et « travaille ») et l’air presque contrit, le retour au calme. L’apaisement. La « réconciliation ». L’égalité et la réconciliation, même. Voir la paix, tiens, pourquoi pas. Mais la paix n’est pas la libération. L’on peut être esclave et en paix. Et nous, contrairement à lui, nous savons que la paix véritable ne peut exister qu’une fois la libération advenue.

Nous n’avons pas peur de ce petit homme, nous le craignons. Nous le craignons justement parce qu’il est petit. Qu’il est obscur. Qu’il est sans grade. Nous le craignons car nous savons qu’il ne peut nous être d’aucune aide. Nous le craignons parce qu’il n’est pas à la hauteur du défi que le pays et, au-delà de lui, l’Humanité a devant elle, qu’elle devra relever dignement si elle veut survivre. Nous le craignons parce qu’il n’est rien. Rien qu’un pantin, un fantoche aux ordres d’une idéologie ultra-libérale ayant déjà amenée la planète entière aux abords de l’effondrement. Nous le craignons car il est encore en capacité de nous faire perdre un temps infiniment précieux. Nous le craignons car son inconscience et son immaturité font de lui un personnage d’une extrême dangerosité, nous en avons désormais la certitude car la confirmation. Pour toutes ces raisons, nous le craignons. Mais nous n’en avons pas peur. Face à lui, nous avons d’ores et déjà revêtu nos manteaux de fous rires.

N’oublions jamais que le désir premier de cet homme était de devenir écrivain, d’écrire une épopée. De marquer l’histoire de la littérature.  Le résultat de ses fantasmes projetés sur le réel sont là pour nous rappeler, s’il en était besoin, à quel point il faut se méfier comme de la peste des artistes frustrés s’étant imaginés géniaux, principalement lorsqu’ils refusent d’admettre leur absence totale de talent.

Qu’importe, désormais, la rhétorique qu’il emploiera, le retournement du retournement du retournement des faits, le double bind qu’il utilisera :

S’il n’est pas officiellement destitué, cet homme a déjà abdiqué. Et ce qu’il a abdiqué, c’est son humanité.

Le dernier voyage du Roi a débuté, et ni lui, ni nous, ni personne, ne peut désormais rien y changer.

Aujourd’hui cet homme, sous nos yeux, s’effondre dans son enfer intime.

Quant à nous, pas d’inquiétude. Nous savons exactement ce que nous voulons, où nous allons, et ce que nous avons à faire.

Echec et Mat pour Dorian Gray.

– Hey !  La diagonale du fou, Kasparov… Tu connais ?

 

Wilfried Salomé

09/12/2018- Lille.

 

 

 

 

 

 

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